vendredi 25 octobre 2013

Himachal Pradesh, retour en terre connue


C'était il y a plus d'un mois et demi, on revient plus en détails sur notre départ de Leh.

Début septembre, le temps devient lentement plus frais, sans doute la meilleure saison au Ladakh. Pourtant, c'est pour nous le moment de partir, des fois qu'il se mette à neiger sur les cols à plus de 5000 mètres sur la route du retour. Notre but, la vallée de la Spiti. Après les adieux à Kouné ce matin là, nous voilà dans un bon vieux bus local en partance pour Keylong, une étape qui est à la même altitude que Leh. La route est un serpentin joueur entre vallées profondes, hauts cols et plateaux, rocaille et désert, un spectacle effréné quand on a le temps de s'en remplir les yeux. Ne pas s'assoupir ! Les virages et nids de poule gardent sans répit le corps en tension, beau travail. L'avantage des bus publics c'est que les conducteurs sont généralement bien tranquilles au volant, ils laissent doubler les pressés. On a toujours préféré les vieux bus cabossés aux véhicules d'agence rutilants (pas toujours). Ceux-là ne sont présentables que la première heure d'ailleurs, la route qui se transforme parfois en piste poussiéreuse se charge de les rhabiller en tenue de camouflage, comme tout le monde. Cette route, réputée si féroce ne l'est que pour les fous du volant, sinon, abordée avec la prudence des sages, elle rappelle juste combien de bons amortisseurs seraient bienvenus. Notre plus grande vigilance fut de ne pas se cogner la tête au plafond.
On passe là deux jours, encore accrochés à cette montagne désarticulée qui nous tant nargués mais qui va nous manquer, la frondeuse. On s'y est frottés, on s'y est piqués. Ses flèches se rétractent désormais. L'insoumise s'est entêtée, par la résistance et les coups en douce, à devenir notre compagne obligée de chaque instant. Je la soupçonne de nous avoir éduqués à allumer des contre-feux. Meilleure ennemie, respect ! La prochaine fois, on saura mieux évaluer les difficultés, tout n'est pas insurmontable.

Keylong est un gros village à flanc de montagne et on peut crapahuter vers de très vieux temples perchés. Il commence à y avoir des arbres au delà des bords de rivière.

On se renseigne pour la direction de Kaza. Le bus part à 6h30 en direction de Manali, il faut descendre à la jonction de Gramphoo, attendre la correspondance pour Kaza. Parfait. Presque parfait : en réalité notre bus démarre à 8h30 et on loupe la correspondance. A Gramphoo, pas moyen de dormir pour attendre le bus du lendemain. Il n'y a que 2 échoppes et le grand vide minéral autour... Coincés là, on attrape une jeep en partance pour Manali, pas d'autre choix. On se dit qu'on repartira de Manali pour Kaza. On se dit ça pour ne pas s'avouer qu'on risque bien de ne jamais aller dans la vallée de la Spiti. Confirmé. Lassés des mauvaises informations en matière de transports et des changements impromptus, on abandonne.


Manali, on avait pas envie d'y séjourner trop longtemps. Pourtant après avoir retrouvé les personnes qu'on avait connues ici, après avoir retrouvé des copains qui reviennent du Ladakh... on y aura passé un mois et demi au total entrecoupé par une journée à Naggar et une petite semaine à Mac Leod Ganj, le village au dessus de Dharamsala. Finalement, c'est ici qu'on se sent le mieux, dans le haut du village parmi des Himalis, des gens charmants qui ont gardé leurs pratiques traditionnelles dans leur quotidien. Les arbres ici ne manquent pas, cèdres géants de l'Himalaya, pins énormes et feuillus. Superbes forêts, prairies, cours d'eau, tout est là pour une vie moins austère.

On a retrouvé Shiva et son micro tea shop. Après les matins à suivre des chemins pentus, on se récompense avec son thé aux épices. On lui attribue sans hésiter la médaille du meilleur tchai. De temps en temps, on y vient pour dîner d'un sidu. C'est une sorte de gros momo aux légumes et épices, une spécialité locale à laquelle on avait échappé. Shiva veut bien me donner un cours de cuisine et je détiens maintenant un nouveau secret culinaire pour prolonger le voyage.



Sinon on dîne chez Tenzin, qu'on avait surnommée à l'époque « Possible » (en anglais), car, quoiqu'on lui demande, elle répond « yes, possible ! », la perfection de l'accueil, avec un chignon.




On a retrouvé aussi Dipu et sa famille, et on loge à l'étage supérieur de leur guest house, sur les hauteurs du vieux Manali. Belle vue et confort, tranquillité et gentillesse. Ça ne nous aide pas à aller voir ailleurs... Un Manali vaut mieux que deux tu l'auras.


Dans ce village les gens vivent d'agriculture et beaucoup possèdent quelques animaux. Les pommes, les produits laitiers et la laine sont leurs ressources principales. On est à la saison de la récolte des pommes et de la tonte des bêtes, ça s'active sérieusement. Les chemins sont fréquentés par des hommes et des femmes qui conduisent quelques vaches à pâturer, qui ramènent des hottes de pommes, d'herbe ou de de bois quotidiennement. Les dos sont courbés, les pas lents et sûrs sur ces sentiers qui brûlent les cuisses. En descente, en revanche, impossible de les suivre, ces gens sont des chèvres ! Presque nus pieds, chargés, ils dévalent les sentiers accidentés qu'ils connaissent par cœur, jusqu'au soir de leur vie. Dans les cours des maisons, on fait sécher les récoltes de maïs, de haricots, on tisse, on trie les pommes... Avant l'hiver qui va figer tout ce monde, l'activité s'emballe dans les montagnes.



Beaucoup de hameaux autour sont sur le même modèle : maisons magnifiques en pierre et bois, vêtements traditionnels en laine été comme hiver, vaisselle et lessive dans les cours d'eau ou dans les nombreux lavoirs, transport d'une foule de choses à dos d'hommes et très souvent de femmes, travaux dans les jardins, dans les vergers... une vie qui court de génération en génération faisant fi du modernisme dans beaucoup de domaines. On voit bien quelques hottes en plastique se répandre, on voit pousser des maisons en brique et béton, on entend les téléphones portables chanter des mantras hindous bien sûr, mais l'ancrage dans la tradition est fort. Pourtant dans le bas, la ville est là, tout près, avec toutes les commodités, des fournitures en tout genre et par moment des flots de touristes. Il faut aller au delà de l'artère piétonne flambant neuve pour trouver un dédale de ruelles et des échoppes de rue. Il semble que la tentation est tenue à distance par les villageois du haut, sans insistance sur un retour à la terre surjoué. Ce n'est pas un retour, c'est la continuité. Ici, c'est comme ça, on poursuit le travail des aïeux, jamais interrompu, comme la chose la plus naturelle du monde. On se donne du mal mais il nous semble que ces gens sont sereins ensemble.
Alors, nous, on est sereins aussi, on arpente, on savoure le calme de cette fin de saison.



Notre passage à Dharamsala ne mérite pas qu'on s'y attarde tant on a trouvé les lieux différents de nos souvenirs. Trop de monde, trop cher, trop sale et, comble de malchance, pluie et brouillard. Question réhydratation, on a pu s'en acquitter à Manali, merci. On a quand même fait une belle grimpette dans la montagne, mais sans neige aux sommets et sans rhododendron en fleurs. Pâle réplique... Mais il y avait Dominique retrouvée ici et ça nous a permis de rire de tout ça ensemble. Ensemble, on est donc retournés à Manali, pour finir notre voyage en climat moins hostile. 


Le voyage se repose, on est plutôt en séjour prolongé, on a le temps de faire plus ample connaissance avec quelques personnes. Shiva m'emmène jusqu'à un stupa très ancien haut perché dans un coin de forêt, impossible de trouver son chemin seul par ici.







On rencontre des personnes inoubliables, qui pour la plupart parlent anglais. Uscha, croisée les matins lorsqu'elle accompagne ses vaches, m'offre, de retour chez elle du bon yaourt tout frais. Il y a aussi Raja, qui vit dans sa maison isolée avec sa femme, il n'aime pas le monde comme il va. On repart avec un kilo de pommes pour quelques roupies.





Question animaux sauvages, c'est une grande frustration, ils nous attendent ailleurs... On a bien aimé le jeune singe albinos de Dharamsala, les perroquets de Manali, les familles de macaques dans la forêt, les pies de l'Himalaya à la queue (non, pas de pie) mais en longue traîne légère et de gros rapaces qui surveillent tout ce monde en bas. Quant aux photos, on dirait qu'ils sont contre.

D'autres, en revanche, se postent devant l'objectif...




Ici, le soleil d'automne s'adoucit avec la fraîcheur qui tente des approches matinales. Il paraît qu'elle va venir d'un coup. Parfaite transition pour un retour au pays. Ce sera : Corse, Vosges, Bretagne et Normandie, quatre étapes pour finir l'année. On a juste changé l'ordre par rapport à la fois précédente. Le voyage continue... Nomades, on espère ne pas se faire expulser tout de suite.

Valérie

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