jeudi 14 mars 2013

Coin Coin du Vietnam



Comme on était très impatients de découvrir un nouveau pays et un peu tendus à cause de témoignages négatifs, les fous-rires ont saisi dès que possible l'occasion d'éloigner les peurs inutiles...
C'est à cause de la langue vietnamienne. Elle est encore plus syncopée et nasale que dans les pays voisins. Chaque syllabe est séparée des autres ce qui doit contribuer à cet effet très rythmé avec, en plus, les variantes des tons (notés à l'écrit par toutes sortes d'accents). Ça monte, ça descend, ça dévale, ça tamponne comme nulle part ailleurs. C'est joli à entendre. Quand les gens parlent vite et fort, voire très fort, tandis que nos oreilles n'ont pas encore le talent de reconnaître au moins quelques mots, on entend comme des... Coin coin coin ? Coin coin !!! Coin coin coin coin... au milieu des conversations. Impossible à discerner, impossible à prononcer. Un mois plus tard, les progrès sont ridicules, mais on peut partager quelques vrais rires avec les gens. Pas avec tous, non, il y a bien eu quelques douches froides. Froides et imprévisibles comme l'hiver à Cherbourg.


Nous entrons par une ville de triste mémoire, Dien Bien Phu. Légèrement anxieux pendant au moins trois minutes, on constate que les gens sont souriants et même plus. On nous salue, on nous aborde (sauf la guichetière de la gare des bus;-) et ça suffit à faire fondre notre méfiance. Quasiment aucun touriste ne s'arrête ici et du coup c'est une ville sans chichi et bien tranquille. Ça nous permet d'attraper la bonne humeur au passage et d'essayer de la garder. On se balade sur les collines aux prénoms de femmes. Sur Dominique, on peut monter jusqu'au mémorial de la célèbre bataille. Grand moment, on découvre le café vietnamien.

















































On réfléchit à un itinéraire sur mesure. On élimine les points chauds, ceux qui ne vont pas avec la bonne humeur : pas de baie d'Halong, pas de delta du Mekong, pas d’Hanoï ni d'Ho Chi Minh. On peaufine un anti-guide de voyage. Comme d'habitude. Très peu de voyageurs sont autonomes ici. Organisateurs de tours, véhicules avec chauffeurs, guides... sont bien souvent la seule façon de découvrir le pays sans se battre. Sûr qu'en solo on risque de passer un peu à côté du pays, mais on espère bien trouver nos trésors.


























Cap sur Tam Coc, la baie d'Halong des rizières, dans les terres bien au sud d’Hanoï  On s'installe une semaine là, dans l'hôtel de Loan. On ne sait plus où mettre les yeux tant le spectacle recommence à l'infini. Quant aux habitants de ce chapelet de villages, ils sont extraordinaires de gentillesse. Au petit marché du matin les paniers d'espiègleries sont plus lourds que les fruits. On se demande bien pourquoi on nous a mis en garde contre ce pays. En tout cas, il y a des coins où tout est simple et bienveillant. Le petit plus c'est qu'ici on parle français au moins un peu, voire couramment. C'est quand même un endroit touristique et beaucoup de monde vient passer la journée pour une promenade en bateau. Une rivière se promène au milieu des rizières et des formations karstiques. Les rameuses nous interpellent souvent, mais leur façon de s'adresser aux gens est adorable et tout en douceur : « Monsieur Madame, by boat en bateau ? ». Il suffit de décliner et elles n'insistent pas, juste un petit « Demain ? » et tout le monde rit du petit jeu habituel. Ces femmes passent des heures à ramer, à broder des pièces de coton et de soie pour vendre aux visiteurs, à planter le riz. C'est le mode de vie ici. Loan a aussi été rameuse, elle nous raconte combien c'est dur. Ici, on rame avec les pieds, c'est très beau à voir. Nous, on s'installe dans nos chaussures qui marchent. Dans la campagne, à pied ou à vélo, on découvre un pays attachant. Soleil, brume, fraîcheur, pluie, chaleur... tout y passe.





























On craint un peu d'avoir mangé notre pain blanc dans ce site de tranquillité. Il faut bien reprendre la route, et, comme il fait encore un peu frais dans les montagnes du nord, on va vers le centre du pays, sur la côte, à Hoi An. Cette  ville moyenne est classée Unesco, repeinte en vrai pur authentique,  contraste avec nos jours paisibles à la campagne. Très touristique, l'endroit a perdu un peu en sympathie et en familiarité. La beauté, qui ne peut pas être partout, se concentre entre autre sur les bâtiments d'époque coloniale. Sans rancune... On ne peut pas éviter tous les lieux fréquentés et, au Vietnam, dans les sites touristiques le jeu consiste à vous crocheter, vous canaliser, et surtout, de ne plus vous lâcher. On s'échappe, on se défile, on contourne, mais ça gâche un peu la vie. On ne peut pas renoncer à la liberté.






C'est toujours au bout de quelques jours qu'on saisit la grammaire des lieux, qu'on trouve les îlots cachés. On sait maintenant où se déguste le meilleur café vietnamien et surtout le moins cher ! On sait où trouver quelques personnes magnifiques. On sait quelles petites épiceries ne multiplient pas les prix par deux, trois, quatre ou dix. On sait plein de choses comme ça et du coup, on apprécie de découvrir la ville et les villages environnants. Une plage de plusieurs dizaines de kilomètres nous remet la mer en mémoire avec, le soir, des pêcheurs de minuscules escargots qui nous impressionnent dans les vagues avec leurs filets. Mais il fait un peu trop chaud, il va être temps de remettre le cap au nord.

























La route va être longue. Pour ne pas dormir à Hanoï, on enchaîne deux bus de nuits jusqu’à Sapa. On découvre donc Hanoï quelques heures en journée, et, honnêtement, c'est assez. Pas trop le temps de sourire à la capitale. Quelques petites arnaques ou mensonges de circonstance plus tard, on est repartis.

Comme les bus de nuit sont confortables, on n'arrive même pas démembrés à destination. On n'est pas au Laos où l'inconfort fait partie du voyage, colmaté par la bonne ambiance dans les bus, surtout en cas de panne en rase campagne. Au Laos, on répare avec les moyens du bord et l'expérience. Ici, les routes sont bonnes, et, lorsqu'on crève en pleine nuit, il y a, par chance, un garage tout équipé ouvert sur le bas côté. Le Vietnam est un pays riche, un pays qui ne s'arrête jamais avec par moment l'impression que les citadins sont un peu trop agités pour être efficaces. Trop de mots, trop de gestes, trop fort, trop vite. A la campagne tout est bien différent.





Sapa ! En réalité on ne voulait pas s'y arrêter mais continuer vers Bac Ha un peu plus loin. Mais la règle des arrêts de bus ne nous laisse pas toujours le choix. Sapa est connue, très connue pour sa population de minorités ethniques, ses montagnes, ses rizières en terrasses, son marché dominical extraordinaire. Connue aussi pour ses quantités de visiteurs, pour le harcèlement des vendeuses d'artisanat. On y passe deux jours sans trop souffrir de l'afflux de touristes, vu la saison, ni des vendeuses qui vous interpellent si gentiment. Le cadre est beau, on en profite sans faire attention au reste, c'est tout simple au fond.





C'est à Bac Ha qu'on voulait aller, alors on s'y installe pour notre dernière semaine. Là aussi, un marché dominical connu, tout comme dans d'autres villages alentour. Effectivement, les marchés sont colorés et bouillonnants. Les femmes H'mong Fleur, l'ethnie la plus représentée ici, sont incroyablement vêtues et pas seulement au moment du marché. Ce sont des marchés de produits de la terre, d'artisanat, de bestiaux, et... de camelote chinoise. On a vu aussi celui de Can Cau, dans la montagne. Si le spectacle des yeux est réellement beau, celui des oreilles l'est parfois beaucoup moins pour nous. Le coin des animaux d'élevage offre des scènes difficiles à regarder. Des volailles, buffles, chevaux, porcs et chiens sont échangés un peu brutalement. Les porcs hurlent et se débattent pour ne pas entrer dans la cage qui ne laisse dépasser que leur groin. Les chiens, en revanche, tout contents d'avoir un nouveau copain humain suivent sans rechigner. Ils ont l'air d'être en confiance, et nous, on blêmit. On suppose que ce n'est pas pour la compagnie que les chiens s'échangent. 



























En dehors des marchés, on explore les dizaines de villages dans ce paysage de hautes collines cultivées à perte de vue.

























Il nous restera de ce pays le plaisir de la vie villageoise, l'expérience de la générosité quand on nous ouvre une porte. Comme Jan dans sa maison au coeur les rizières. C'est une des rares personnes à nous avoir invités sans tenter de nous vendre quelque chose. Simplement du thé à offrir, de l'intérêt, l'envie de communiquer. 



























Il nous restera des scènes paysannes dans les cultures de montagne en terrasses, vraies prouesses physiques pour les hommes, les femmes et les bêtes.



























On a effleuré la vie urbaine cupide et énervée. On s'en est pas  mal sortis, pas trop de bosses, juste déçus de ne pas emporter d'ami. On sent qu'on se rapproche de la Chine culturellement. Les traces du confucianisme et du taoïsme sont plus visibles que celles du bouddhisme dans les temples et pagodes. Aujourd'hui la religion n'est pas une pratique répandue. On ne peut joindre les mains en prière quand on a la faucille dans l'une et le marteau dans l'autre. Tous les matins à six heures, la voix de son maître réveille les haut-parleurs au coin des rues. C'est parti, que le peuple se lève et se mette au travail. On n'est pas sûr que tout le monde apprécie...



D'autres images :

Dans quelques jours, on entre en Chine par Hekou, au sud du Yunnan. On va grimper vers le Sichuan, le Qinghai et peut-être plus haut. Quand la saison sera plus clémente, on se rapprochera des montagnes himalayennes plus à l'ouest.