lundi 20 mai 2013

Chine, Episode 2 : Sud et Ouest du Sichuan

Depuis Leshan, on est dans le Sichuan. On est déjà bien contents d'avoir pu y entrer. On est encore dans la plaine, et, même notre humeur est un peu plate. Leshan est une grande métropole, il faut se sortir de là et préparer un itinéraire.
Leshan est aussi connue pour son bouddha géant sculpté dans la falaise, mais, une fois de plus, ce site historique est aujourd'hui un site commercial et on se contente de se promener dans les alentours, gratuitement. On ne va pas revenir sur ce qu'on pense des sites naturels classés Unesco où, sous prétexte de préservation, tout le cortège d'effets collatéraux se met en route... Prix exorbitants, hôtels de luxe, invasion de bus, marchands du temple et naturellement des relations aux autres faussées.
Emeishan, un peu plus loin est aussi un endroit réputé pour sa montagne sacrée, et, hélas, c'est à peu près la même chanson. On ne fera pas l'ascension au sommet pour les mêmes raisons. Mais c'est une petite ville entourée de nature et on arrive à se frayer des chemins de traverse et à croiser des personnes très amicales. Du coup, on s'y sent bien, on explore les recoins, notre sport favori !


On est impatients de grimper vers la fraîcheur, vers les monts et merveilles.
Le Sichuan est une province immense, il faut procéder par étapes. C'est à Ya'an, ville jusque là sans particularité si ce n'est une ambiance vraiment agréable. Le vieux pont de bois sur la rivière a belle allure. Comme partout, on voit les chinois se rassembler pour danser dans la rue, jouer à des jeux de société dans les squares, toutes les occasions sont bonnes pour être ensemble. Ils sont franchement joyeux et c'est communicatif.


Il y a non loin de là, une réserve de pandas dans un grand parc naturel, la vallée de la Bifeng où on peut randonner dans les gorges profondes de la rivière. Le cadre est somptueux, mais les pandas n'ont pourtant pas un espace extraordinaire... Leurs attitudes sont inimitables, impossible de les prendre au sérieux même quand ils se prennent pour des ours, alors qu'ils sont apparentés à des ratons laveurs ! (leur classification a été longtemps discutée et la question n'est toujours pas véritablement tranchée)
Depuis, Ya'an est devenu tristement célèbre... Trois jours après notre passage, un important séisme a eu lieu ici, le 20 avril 2013. On était déjà loin de cet endroit mais on a évité de prendre la route pendant quelques jours. On ne sait jamais où les répliques vont avoir lieu. On a constaté d'importantes chutes de grosses pierres à près de 200 km de là.
On est passés par Luding puis Danba et enfin arrivés à Kangding, ville d'entrée dans le monde tibétain.
Luding est une ville encaissée entre des montagnes imposantes, le long d'une rivière. Ici, l'ambiance est moins détendue, voire un peu oppressante.
Danba nous a fait fuir malgré de fameuses tours anciennes (plus de cinq cents encore debout sur les milles référencées) parsemées sur les collines. C'est une ville encore plus encaissée et pas plus détendue.
Cette vallée qu'on suit depuis Luding est un chantier monumental. Routes, ponts immenses, tunnels, tout est en construction ou démolition. Le vacarme est permanent sur les routes et dans les hôtels. On commence à saturer et il semble que les chinois aussi. Des immeubles de trente étages s'élèvent dans le moindre village, à la vitesse de l'éclair.



A Kanding, on respire un peu (si on fait abstraction de « l'horrible » marché de viande de Yaks). On ne mange toujours pas nos amis;-). La vallée est plus large et on commence à voir les premiers pics himalayens. Le mont Gongga, du haut de ses 7500 mètres nous emporte déjà loin. 

On est dans la province tibétaine autonome de Ganzi, on est chez les Tibétains et les Tibétaines. Ici, en Chine, ils nous semblent plus sauvages qu'en Inde ou au Népal, et pour cause... la police est partout. Pas du tout menaçante en apparence, c'est une présence très lourde bien sûr. Pour autant, on n'arrête pas les Tibétains dans leurs activités. Les marchés foisonnent, les échoppes échoppent. Le soir, on danse sur la grande place, comme partout en Chine.

Il y a des belles randonnées vers des temples perchés, notamment sur Paoma Shan, une montagne sacrée. On commence à voir des animaux, de magnifiques oiseaux et ça fait vraiment du bien. 
On croise aussi beaucoup de moines, dont certains ont bien du mal à monter une grande tente devant leur monastère. C'est vrai que ce n'est pas si simple sans plan!



On hésite un peu à monter à cause de la température. Ici, à 2650 mètres, c'est parfait, un printemps idéal. La prochaine étape, Xinduqiao, à 3300 mètres sera sans doute un peu frisquette... Au bout de quelques jours, on se décide, quelques vêtements chauds en plus.
On arrive dans un gros village tibétain. Ici les villages sont bien sûr flanqués de constructions chinoises, de magasins chinois... à l'esthétique enfuie à jamais. Mais derrière la rue principale commence un autre monde. Bâtisses imposantes ceinturées de murs de pierres sèches. Sobres et propres. 



C'est là qu'en balade, on rencontre une vieille femme qui nous entraîne dans sa maison, nous offre eau chaude et tsampa, et surtout, son merveilleux rire et son incroyable tonus qui dure depuis 85 ans. L'intérieur des maisons est sombre, décoré intensément de motifs colorés et meubles tibétains cossus. Les lueurs du jour parviennent à se hisser jusqu'aux petites ouvertures et confient aux couleurs chaudes des intérieurs le soin d'éclairer.
En revanche, les toits terrasses, les cours intérieures donnent sur la pleine nature. Et la nature autour est belle avec les rivières, les montagnes, les yaks et les chevaux. Quand la fille de la vieille dame arrive et nous trouve attablés chez elle, elle montre spontanément beaucoup de gentillesse. On resterait bien indéfiniment ici. On a prévu de s'enfoncer dans la vallée, alors on prend congé après avoir décliné une invitation à manger. Mais on ne s'en va pas avant d'avoir aidé à l'épluchage des pommes de terre.



On va monter encore un peu plus haut, à Tagong, sur le plateau tibétain, à 3700 mètres. On avait peur du froid, mais on est accueilli par un grand soleil. C'est un plus petit village encore avec un environnement spectaculaire. Tout près, on est entourés de hauts sommets enneigés. On peut grimper sur les crêtes des collines et voir s'étendre cet horizon himalayen à perte de vue. Des champs de yaks et de petits chevaux de montagne partout, des gens aussi doux que leurs animaux. On est en terre amie, on se sent bien là malgré les soirées bien fraîches. Un matin, tout est blanc. Dans ces endroits, on passe du soleil à la neige, du vent à la pluie sans arrêt.






Au début l'attitude des hommes tibétains nous a impressionnés. Avec leurs grands manteaux fourrés, une manche enfilée et l'autre pendante, leurs parures dans les cheveux, leur chapeau et le côté un peu hirsute de certains leur donnent un air de brigands des grands chemins. On s'aperçoit vite que c'est une façade car en réalité il n'y a pas plus doux et rieur. On a vite compris que ces regards noirs qui vous fixent sont des regards d'enfants frondeurs. Tout d'un coup, retentit un chapelet de « Tashi Dele », et les visages éclatent de malice et de rires francs. On est conquis par ces géants bruns des grands vents. Ils ne sont pas dupes de l'effet qu'ils font, entre candeur, sérieux, prestance et humour. Leur vie n'est pas un fleuve tranquille, la haute montagne est exigeante.
Au mois de mai, le sport national est la récolte des champignons chenilles, produit rare et très cher qu'on cueille dans les montagnes. Ils faut savoir les repérer, les déterrer. Sur les marchés, les discussions vont bon train pour négocier la marchandise. C'est un travail minutieux car il faut ôter la terre qui enveloppe les chenilles avec beaucoup de précaution. Cette activité millénaire est devenue une très lucrative vue la demande chinoise pour ce produit miracle utilisé en « médecine »... masculine notamment.






Les femmes passent, sourient facilement. Elles sont plus communicantes. Elles vous attrapent l'esprit au passage et continuent leur route. Elles sont trop occupées avec les éléments à apprivoiser, le bien-être quotidien à remodeler chaque jour.
Les Tibétains, hommes et femmes sont grands et tranquilles. Tous prennent le temps de remarquer notre présence, de nous faire un petit signe, de nous parler. Dans le calme. Ça fait un contraste avec les petits Chinois plutôt hyperactifs et volubiles.
Ils sont parfaitement équipés contre le froid. Vêtement fourrés de laine, couches superposées, grandes manches et couvre-chefs. Ceux, nombreux, qui se déplacent à moto sont équipés jusqu'au bout du guidon avec d'énormes  gants de moto rembourrés fixés aux poignées. Impressionnant !
C'était là le moment le plus intense de notre passage dans le Sichuan. Quitter le génie de ces hauts lieux fut bien difficile mais on reviendra par la fenêtre bientôt, par le Ladakh...

Après, direction Chengdu, terminus du périple chinois. On ne prolongera pas encore une fois le visa comme on l'avait envisagé au départ. Après une belle soirée avec nos amis Jude et Jerry, on s'envole pour une étape Thaï. Là, on  va s'occuper du visa indien. 

On vous donne rendez-vous en Inde dans quelques semaines, on a déjà beaucoup raconté la Thaïlande, faudrait pas radoter. En attendant, on va aller voir dans l'eau ce que font les crabes de Koh Phangan...

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